Transatlantic Amazon Gods [TB#9] | Octobre 2015, France

La musique « jazz » a toujours franchi les frontières avec aisance, qu’il s’agisse de styles ou de nations, pour mieux glorifier la puissance d’attraction de ses « singularités disparates », pour les mettre en ébullition. Né des expériences afro-américaines, y restant profondément lié tout en devenant américain, européen, occidental et transnational, le « jazz » s’est développé en produisant des hybrides révolutionnaires, chaque musicien y apportant toujours tout son être, qui se transforme au contact de celui des autres.

Malgré cela, les projets qui mettent en scène des collaborations significatives entre musiciens français et américains se sont faits de plus en plus rares au cours des dernières décennies, par manque de moyens et par manque de temps – l’industrie musicale privilégie les rencontres exceptionnelles en tête d’affiche plutôt que les relations durables, et les fusions isolées plutôt que les mutations partagées. Les musiciens français foulent rarement le sol américain, où ils sont le plus souvent envoyés en tant que mercenaires, sans réelle possibilité de renforcer les relations qu’ils y nouent. Les musiciens américains sont souvent les invités d’honneur des festivals européens, mais ils n’ont guère la possibilité de reprendre les échanges qu’ils y ont initiés. D’où l’idée de créer un passage transatlantique – The Bridge – qui pourrait être régulièrement traversé par les premiers et les seconds, dans un sens et dans l’autre, pour recréer les conditions d’un partage authentique, à travers l’espace et le temps.

Ce quintet d’esprits libres – vivant à la croisée des chemins, cherchant à les libérer – a été réuni par des forces magnétiques en octobre 2013, pour le tout premier voyage exploratoire organisé par The Bridge en France. Côté français, le trompettiste Jean-Luc Cappozzo et les bassistes Joëlle Léandre et Bernard Santacruz. Sachant que le premier et le second ont, notamment, tous deux joué avec George Lewis. Que le second et le troisième ont, notamment, tous deux joué avec Nicole Mitchell. Que le premier et le troisième ont, notamment, tous deux joué avec Charles Gayle, dans le quintette de Denis Fournier, et dans leur propre quartet. Du côté américain, Douglas R. Ewart qui, en plus d’être un artiste visuel explosif, s’inscrit dans la lignée des multi-instrumentistes iconoclastes de l’AACM, tels que Lewis et Mitchell ; et Michael Zerang, qui a déjà fait résonner, siffler et grincer ses surfaces, ses peaux et ses métaux sur les scènes de Chicago et d’Europe.

Pendant deux semaines, dans huit villes différentes, lors de deux fois plus de représentations et d’événements parallèles, leur musique, improvisée – c’est-à-dire très proportionnelle à ce qu’ils sont collectivement – a été la musique aventureusement passionnée de chemins croisés et de mondes traversés, des présentations les plus frénétiques. Ils se sont découvert une identité multiple et un nom de groupe : Sonic Communion. The Bridge est exceptionnellement fier de lancer avec un tel ensemble la deuxième phase de ses activités (alors que la première se poursuit avec de nouveaux ensembles en gestation…) : le début des « allers-retours » de l’autre côté de l’Atlantique, afin de répondre au souhait initial de réciprocité entre musiciens et sociétés. Il sera accompagné d’une sortie d’album, premier numéro du label The Bridge Sessions.

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