The Bridge, au carré. Ce projet est le deuxième groupe issu de la deuxième génération d’ensembles collaboratifs franco-américains que The Bridge met en orbite. Suivant une intuition initialement proposée par le guitariste Raymond Boni, Mai Sugimoto, Anton Hatwich et Paul Rogers ont pris le temps, en novembre 2019 à Chicago, d’explorer les possibilités d’un vaisseau à majorité d’instruments à cordes et sans claviers, sans percussions, piloté simultanément par quatre individus aux personnalités artistiques radicalement différentes. L’idée était de créer une musique qui se débattrait avec les idées de déploiement et d’enchevêtrement, du son comme un ensemble de lignes et de torsions. Des points éloignés dans l’espace et dans le temps peuvent toujours être reliés, quand bien même on ne s’y attendrait pas, surtout quand on ne s’y attend pas : « L’improvisation étant un lien fondamental pour la coexistence des êtres, ce qui m’intéresse le plus dans cette rencontre franco-américaine, c’est le parcours singulier de chacun, et la qualité inédite de cet événement. » Dixit Boni. Mission accomplie et à réaccomplir en France en octobre 2022.
Ils sont partis pour ne pas raconter ou raconter des histoires, ça dépend, cela faisait longtemps, depuis novembre 2019 en tout cas. Don’t Tell (The Bridge #2.2), c’est parfois Mai Sugimoto & Her Gang, la saxophoniste alto et flûtiste au milieu des cordes de Raymond Boni à la guitare, d’Anton Hatwich et de Paul Rogers aux contrebasses. La légende de leur musique dans un village lacustre, par exemple, ce serait ça la première histoire.
2 octobre, Dijon. Au Maquis, dans la maison éclusière où le Tribu Festival se termine, comme dans un village lacustre, entre les éclaircies et les déluges, entre les coureurs et les cyclistes, c’est la croisée des chemins entre ciel et terre, entre les quatre musiciens aux quatre directions.
5 octobre, Lyon. Au Périscope, Don’t Tell remonte à la surface, sort de l’ombre, fait toute la lumière. La musique est entre eux comme une lame et comme une énergie.
7 octobre, Grenoble. Au Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas, Boni, Hatwich, Rogers et Sugimoto rajoutent leur musique à toutes celles recueillies depuis toujours ou presque par le Centre International des Musiques Nomades. À quatre, à 2×2, à quatre, ils se soutiennent comme les quatre piliers de la sagesse et de la folie.
9 octobre, Nantes. Du village lacustre imaginaire à l’ancienne ville lacustre, il n’y qu’un pas ou qu’une vision. Don’t Tell y reçoit la violoncelliste Soizic Lebrat et ça fera autant d’instruments à cordes, de filets de pêche, de pêches miraculeuses. Au Pannonica, Olympe en discute avec Moncho, devant un beau camaïeu d’acajou, dit quelqu’un.
2 au 5 octobre, Lyon. En résidence au Périscope, Don’t Tell a raconté des histoires partout, Chez Daddy (café intergénérationnel), pour les étudiantes et les étudiants du CEFEDEM (institution interdépendante), avec les membres de l’ARFI (collectif intersubjectif) que sont Olivier Bost au trombone, Clément Gibert à la clarinette basse et Christian Rollet à la batterie. Ça tourne.
12 octobre, Poitiers. Mai Sugimoto, Raymond Boni, Anton Hatwich et Paul Rogers sont concentrés sur la désinvolture, ils font des voltes et elle aussi, il n’y paraît pas au Confort Moderne, entre les carrés magiques de Jazz à Poitiers, quatre reines et quatre fous à tour de rôle sur l’échiquier.
13 octobre, Albi. Au Frigo, concert de diagonales alors, et à deux, et à trois, ils ne marchent pas à pas feutrés comme dans leur carré magique. Ils prennent la tangente. Et même, Don’t Tell accueille un grand conteur de cohérences et d’incohérences, Roland Ossart et son mélisson.
14 octobre, Marseille. Don’t Tell reçoit. A l’Espace Montévidéo, dans le cadre de la quatrième édition du festival Just Listen!, organisé et improvisé par l’association Be Free, le nombre des contrebassistes est en augmentation constante. Trois maintenant, Bernard Santacruz ayant rejoint Hatwich et Rogers. Et deux saxophonistes, François Wong au baryton ayant rejoint Sugimoto. Recueillements, diverses densités. Evidemment Boni projette une poudre d’électrons libres qui magnétisent tout ce beau monde. Et donne son ultime solo sur un harmonica de 12 ans d’âge.
15 octobre, Sainte-Anastasie. Et de quatre contrebassistes maintenant, avec l’adjonction de Scott Walton à La Bergerie (oasis, atoll, nemeton). Hydre à plus de seize têtes ou cordes en plein arrière-pays avec Santacruz, Hatwich et Rogers. Emmêlements et démêlés garantis, plus quelques traits de génie, traits de feu. Boni attend dans son coin et sa chemise rouge pour surgir tel un beau diable et cisailler incessamment.
16 octobre, Nîmes. Au Petit Théâtre de la Placette, c’est presque l’autre moitié du groupe, Mai Sugimoto et Anton Hatwich, qui reçoit à son tour la visite de Robin Fincker au saxophone ténor et à la clarinette et Samuel Silvant à la batterie et au bodhran. En trois temps, trois mouvements, trois improvisations collectives naturellement structurées, architecturées, tous les courants passent.
Dans la Cappozzone à Luzillé, le 11 octobre, avec Jean-Luc Cappozzo à la trompette et au bugle, Paquito Perez à la trompette, Géraldine Keller au chant – et avant ça le même jour dans la maison de Max Ernst et Dorothea Tanning à Huismes. Et après ça à Poitiers, le 12 octobre, avec une classe de seconde de la filière Sciences et Techniques du Théâtre, de la Musique et de la Danse. Ou le 17 octobre avec Samuel Silvant dans les gorges du Gardon. Tout est possible, tout se transmet.
18 octobre, Tours. Au Petit faucheux, Raymond Boni, Mai Sugimoto, Paul Rogers et Anton Hatwich se retrouvent à quatre après des jours et des nuits de rencontres, et plongent dans la stupeur et dans la voie lactée. La forme est toute trouvée désormais: un quartette, un duo, un autre duo, un autre quartette. Des élans contradictoires et une entente obscure, opaque. Le public est invité à suivre les métamorphoses.
19 octobre, Brest. Au Vauban, fief d’un Autre Monde, et dans le cadre de l’Atlantique Jazz Festival, moment musical de bien commun hors du commun (où le fantôme de Sidney Bechet et celui de Léo Ferré se livrent à des jeux d’eau dans la cuisine, où les amplis disparaissent au dernier moment musical…), Don’t Tell s’y remet: un quartette, un duo, un autre duo, un autre quartette. Passage moins secret mais toujours surprenant, les yeux fermés.
20 octobre, Pantin, à La Dynamo de Banlieues Bleues. C’est le moment du départ ou de l‘arrivée ou du retour: comme dans l’improvisation collective, on ne sait plus trop bien, on ne sait plus si bien, ce qui est en haut, en bas, ce qui est devant, derrière. C’est dans ce moment d’incertitude que toutes les directions se prennent comme des décisions et que toutes les histoires se racontent à toutes les vitesses réparties entre Boni et Rogers, entre Sugimoto et Hatwich.
Avec des élèves de l’IUT de Tours, en formation d’animateurs socio-culturels, ou avec des étudiantes et des étudiants de Paris 8 – Saint-Denis à Pantin, apprentis sorciers et musiciens, toujours les cercles se forment et s’agrandissent.
En octobre 2022, Don’t Tell n’a pas raconté d’histoires dans une crêperie en Bretagne, sur un terrain de tennis dans le Gard, dans une roulotte de gitans à Dijon, partout à travers la France.
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