Comme toutes les ramifications de musiciens proposées par le réseau d’échanges et d’alliances transatlantiques The Bridge, cette neuvième formation est une histoire de (re)mise en jeu, et de (re)mise en commun, de forces en présence, suscitée par le désir, le bon plaisir, et quelques premiers embranchements.
Depuis plusieurs années, et après avoir traversé toute l’histoire du jazz contemporain en France et en Europe, Sylvain Kassap collectionne les croisements avec les musiciens de Chicago, en duo avec Hamid Drake, ou pour un projet à plusieurs entrées avec Nicole Mitchell, ou aux côtés d’Edward Wilkerson, Jr. lors d’un foudroyant passage dans l’Illinois en juin 2013… Jusqu’à ce que se formule, progressivement, l’idée de ce quartette : « La couleur orchestrale est à ma connaissance inédite, et inouïe : deux voix (travaillant sur des expressions très différentes), un clarinettiste et un batteur. Cela autorise un travail rare entre timbres et rythmes, improvisation et création d’un répertoire, cela permet de mélanger le jazz libre actuel, les influences de la musique contemporaine écrite d’aujourd’hui. » Cette conjugaison d’histoires et d’aventures au temps présent, décidément et résolument, veut provoquer sous la lumière des clarinettes la rencontre entre le chant transculturel de Mankwe Ndosi qui, entre Tanzanie et Midwest, entre soul et free, travaille et est travaillée de l’intérieur par plusieurs traditions vocales et verbales, pour forger la sienne, hybride nécessairement, et la parole scandée, martelée ou chantée, le flow parlé de Mike Ladd, disposant d’autant de cordes vocales à son arc de sens multiples qu’il s’en trouve dans le spoken word, le slam et le rap dès qu’ils sont en lien direct avec la poésie de haute source. Une confrontation inaugurale a eu lieu à Montreuil, en octobre 2014, entre Kassap, Ndosi et Ladd, en attendant que les rejoigne Dana Hall, batteur ubique et professeur de musique(s) à la DePaul University, lequel cite parmi ses sources d’inspiration et d’improvisation aussi bien John Carter que Jimmy Giuffre, Andrew Hill que Richard Wright, la diaspora africaine et la seconde école de Vienne, l’AACM et la pluralité des mondes… Soit le plus formidable animateur de rythmes et de rapports, l’homme de la situation. En octobre 2015, ils retournèrent tout sur leur passage en France. En novembre 2017, il seront de plain pied à Chicago.