On n’a jamais vu ça : saxophones, trombone, accordéon, basse, percussions et électronique, dans tous les sens, toutes les directions, toutes les mutations, superposés, stratifiés, scindés, ventilés, vaporisés – vapeurs. On n’a jamais vu ça, mais on en connaît le principe, et ces cinq-là venus de toutes les directions musicales, le connaissent par cœur : la liberté de prendre de multiples formes. Duke Ellington disait déjà ça. Crying Out Loud est un quintette basé sur l’improvisation autour de minuscules compositions écrites servant de prétextes à l’interaction. Des fragments de mélodie, de rythme ou de texture forment un environnement dans lequel tous les musiciens évoluent d’une manière organique et interdépendante. Selon le son et l’intention de chaque individu, les autres musiciens s’adaptent à la manière d’un écosystème, avec des conditions préméditées. Le mot-clé de cet ensemble serait adaptation : adaptation au contexte dans lequel l’ensemble joue, adaptation à l’inconnu puisqu’aucun des musiciens n’a joué ensemble auparavant, et adaptation en termes de son et de concept au fragment particulier en cours d’exécution. Le format du quintette est d’autant plus intéressant qu’il est asymétrique et crée un déséquilibre, quoi qu’il arrive. De plus, l’ensemble peut jouer comme un groupe « régulier », la basse à l’intérieur d’une section rythmique et deux saxophones en première ligne. Mais tout peut être également inversé avec trois cuivres contre une section électronique. La raison pour laquelle les fragments sont utilisés comme prétextes à l’improvisation est ainsi d’attirer l’attention sur les possibilités infinies de structuration de l’improvisation, ainsi que sur la richesse du son pur pour définir la forme.
Marseille, le 30 septembre. C’est dans la ville de Simon Sieger que Crying Out Loud s’est retrouvé, deux ans et quelque mois après s’être formé et formulé du côté de Chicago. Grâce à l’association Be Free, et à la Maison du Chant, ils ont vite reformulé le labyrinthe de leurs chants à eux (Sieger, Dan Bitney, Rob Frye, JayVe Montgomery) et à elle (Olivia Scemama). En prenant le thé avec le Chapelier fou.
Dijon, le 2 octobre. Seconde étape après la résidence marseillaise, au Tribu Festival organisé par Zutique Productions. Dans la mosaïque des musiques du monde, d’un autre monde possible, où tout serait libre d’être soi-même en étant désidentifié. Et soudainement la musique de C.O.L. s’est faite vaporeuse, comme un banc de brume – pour laisser songeuse et songeur.
Viserny, le 3 octobre. Dans le salon sous-marin d’une ferme-phalanstère, en Bourgogne, devant un parterre d’amis et de voisins, Crying Out Loud baisse la voix et hausse le ton. Écoute et invoque. On a vu des salamandres tachetées (Salamandra salamandra), on a vu des chouettes effraie (Tyto alba), mais aussi des coyotes bleus. On n’a eu besoin de rien d’autre que la musique pour mieux voir.
Lyon, le 5 octobre. Au Périscope, Crying Out Loud a joué à satiété, une musique évolutive, qui passe par des stades, des phases, des états, à la recherche d’une illumination. Et soit l’expression d’une ravageuse joie de vivre.
Mais à Marseille aussi, le 1er octobre, invitation fut lancée à Bastien Boni (contrebasse) et Nicoló Terrasi (guitare), de l’ensemble Grand8, de venir tournoyer avec C.O.L.
Mais à Viserny aussi, le 4 octobre, invitation fut lancée à Didier Petit (violoncelle – en tournée clandestine avec JayVe Montgomery et Edward Perraud au début de l’année) et Guillaume Roy (alto), de venir tournoyer avec C.O.L.
Poitiers, le 6 octobre, c’est Byzance. C’est Byzance version confort moderne, grâce à la bande de Jazz à Poitiers. Les cinq musiciens se lancent dans de grands délires prometteurs comme des terres fertiles, comme des plaines alluviales. Et surgit tout à coup, pour le second set, le champignon magique d’un trombone. C’est Christiane Bopp et c’est encore Byzance.
Nîmes, le 7 octobre. Au Petit Théâtre de la Placette. Soirée de subdivisions pour C.O.L. ; il sort des musiciens de partout, qui forment trio sur trio, par tirage au sort, puis un grand tentette tentaculaire et incroyablement uni. Avec le quintette : Robin Fincker au saxophone ténor, Thierry Daudé à la trompette et à la voix, Benoît Pérez à la trompette, Bernard Santacruz à la contrebasse, Samuel Silvant à la batterie… Les jeunes boulistes ont arrêté leur partie ; toutes affaires cessantes ; pour venir écouter ça.
Albi, le 8 octobre. Au Frigo, conservatoire des arts rafraîchissants, de l’Association Culturelle de Tendance Alternative (ACTAL) – ça ne s’invente pas. Mais ce qui s’inventa, c’est le mélisson, le synthétiseur modulaire que conçut Roland Ossart et dont il joue enfin avec les membres médusés de C.O.L. Toutes les méduses sont de sortie d’ailleurs et la musique est charmante, la musique est ensorcelante.
Sotteville-lès-Rouen, le 10 octobre. Après être arrivé la veille, et avoir fait la jonction avec Think Big! dont on reparlera cette semaine, Crying Out Loud est entré dans la maison pour tous, qui est aussi la Spirit House, par un funk fantôme, un blues décharné et acharné, et par tous les dragons veillant sur tous les trésors. Redistribution garantie.
Nîmes, le 7 octobre. Trio JayVe Montgomery, Simon Sieger & Bernard Santacruz. Trio Robin Fincker, Benoît Pérez & Dan Bitney. Trio Rob Frye, Olivia Scemama & Samuel Silvant.
Transmettre. Le savoir par la pratique, la pratique par le savoir. Et transmettre par l’exemple, qui n’est pas que celui des concerts en bonne et due forme, mais d’autres formes d’échange et de partage où la musique s’entend et s’interroge à cœurs ouverts. Musiciennes et musiciens du Bridge sont autant convaincus de cette nécessité que nous, les organisateurs et organisatrices.
30 septembre et 1er octobre, Crying Out Loud accueille à la Maison du Chant de jeunes musiciens amateurs lors de sa résidence à Marseille, grâce à l’association Be Free.
5 octobre, Crying Out Loud joue au Périscope de Lyon devant une cinquantaine d’étudiants du centre de formation des enseignants de la musique (CEFEDEM) et répond à leurs questions.
6 octobre à Poitiers, après leur concert, discussion avec une trentaine d’étudiants du CFMI (centre de formation des musiciens intervenants).
8 octobre à Albi, atelier de Crying Out Loud autour du Mélisson, synthétiseur modulaire mis au point notamment par Roland Ossart.
11 octobre, avant leur concert à La Dynamo de Pantin, Dan Bitney et Olivia Scemama discutent avec des étudiants de l’Université Paris 7 Denis Diderot.
14 octobre, le lendemain du concert de Crying Out Loud à Brest, dans le cadre de l’Atlantique Jazz Festival, JayVe Montgomery rend visite aux élèves du Collège Camille Vallaux au Relecq-Kerhuon qui sont venus les écouter la veille.