On n’avait jamais vu ça : saxophones, trombone, accordéon, basse, percussions et électronique dans tous les sens, toutes les mutations, superposés, laminés, éclatés, ventilés, vaporisés – des vapeurs. On n’a jamais vu ça, mais on connaît le principe, et ces cinq-là, venus de toutes les directions musicales, le connaissent par cœur : la liberté de prendre de multiples formes. C’est ce que disait Duke Ellington. Crying Out Loud est un quintet basé sur l’improvisation autour de minuscules compositions écrites servant de prétexte à l’interaction. Des fragments de mélodie, de rythme ou de texture forment un environnement dans lequel tous les musiciens évoluent de manière organique et interdépendante. Selon le son et l’intention de l’individu, les autres musiciens s’adaptent à la manière d’un écosystème aux conditions préméditées. Le mot-clé de cet ensemble est l’adaptation : adaptation au contexte dans lequel l’ensemble joue, adaptation à l’inconnu car aucun des musiciens n’a joué ensemble auparavant, et adaptation en termes de son et de concept au fragment particulier qui est interprété. Le format du quintette est encore plus intéressant car il est asymétrique et crée un déséquilibre, quoi qu’il arrive. En outre, l’ensemble peut agir comme un groupe normal, avec la basse au sein d’une section rythmique et deux cors en première ligne, mais tout peut être inversé avec trois cors jouant contre une section électronique. La raison pour laquelle les fragments sont utilisés comme prétextes à l’improvisation est d’attirer l’attention sur les possibilités infinies de structurer l’improvisation, ainsi que sur la richesse de la création sonore pure pour définir la forme.
Echos d’une conversation à venir. Simon Sieger : “Le nom Crying Out Loud est une réflexion sur les temps tristes que le monde traverse et une paraphrase de l’anecdote concernant Peter Brötzmann. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il jouait toujours aussi durement, il a répondu qu’il ne pouvait pas faire autrement alors que le monde prenait une direction si triste.” Rob Frye : “Je me suis également demandé pourquoi Brötzmann jouait si durement, je vois comment ce style reflète sa vision de l’état des choses dans notre monde. Un ami m’a rappelé qu’Adorno demandait “comment peut-on écrire de la poésie lyrique après Auschwitz ? À bien des égards, ce serait inapproprié ! Mais je pense que, précisément à cause de la direction sombre que nous prenons, il est encore plus important de montrer au monde comment les humains peuvent travailler ensemble. L’art peut aussi nous apprendre ce qu’est la communauté et pourquoi il vaut la peine de se rappeler que quelque chose comme la beauté existe. Croyez-moi, moi aussi j’ai parfois envie de crier dans mon klaxon ! Et si j’entends cette puissance, je peux lever le poing.” JayVe Montgomery : “Le moment présent est le seul moment possible. En tant qu’improvisateurs, nous nous engageons dans le “si” au milieu de la vie, en montrant aux autres humains notre plus grand instinct commun : l’improvisation. En jouant librement et en écoutant avec compassion, en parlant et en écoutant en même temps, nous visons à montrer la démocratie sous une forme plus vraie que ce que l’on a encore vu dans les gouvernements des nations.”
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