Stembells [TB#2.7] | Avril 2022, Chicago & Midwest

De ce quintette à venir, on pourra dire ce qu’en disent certains de ses participants, sur les raisons qu’ils ont eues de l’imaginer, de le vouloir. Et c’est dit au passé, au présent et au futur : la guitare était entêtante, la trompette éclatante, la harpe tonitruante, le saxophone stupéfiant et la batterie inébranlable : la vie est une succession de choix mais leur rencontre était d’une limpide évidence. Parfois la guitare sera insupportable, la trompette savante, la harpe violente, le saxophone bavard et la batterie exubérante, mais la musique qui en jaillira sera étourdissante, rapprochant Paris de Chicago across their bridge, subtil et retentissant. La plupart des musiciens du groupe ont déjà travaillé avec The Bridge, en invités spéciaux de tel ou tel autre ensemble. Ils ont déjà gouté la saveur de ces aventures sans cesse renouvelées, et n’ont qu’une hâte : participer cette fois-ci entièrement à l’exercice, ici puis là-bas, ou vice-versa. Passer deux semaines, en immersion, sans être coupé du monde, tout au contraire: en étant lié aux mondes. Pratiquer intensément ensemble une musique totalement improvisée, sans prétextes ni contraintes stylistiques, partager la route, la ville, les gens, l’humeur, le cœur… et favoriser une élévation.

The Bur Oak, 16 avril. Pendant ce temps-là, à Madison, grâce aux amis et alliés de BlueStem Jazz, The Bridge #2.7 (de gauche à droite: Jaimie Branch, Tim Daisy, Isaiah Collier et Gilles Coronado) fait ses grands débuts dans le feu et dans les flammes des grooves.

Hungry Brain, 17 avril. Gilles Coronado fait exprès d’emmêler les cordes de sa guitare dans celles du violoncelliste Ismael Ali, mais surtout dans les rythmes tricotés par le batteur Bill Harris. C’est Fred Jackson Jr. qui tire son épingle (son saxophone) du jeu, imperturbablement passionné.

Elastic, 18 avril. Toujours dans l’Anagram Series, c’est au tour de The Bridge #2.7 d’y aller comme charge un taureau. Branch, Coronado et Daisy sont à la charge, aux décharges électriques, pour le plus grand bonheur des anges et des démons.

Experimental Sound Studio, 19 & 20 avril. The Bridge #2.7 plongent dans les archives et dans la philosophie intersidérale de Sun Ra, et enregistrent la matière première et la matière noire d’un disque qui promet d’être implacable.

Constellation, 20 avril. Ce groupe n’en fait qu’à sa tête: il s’obstine, il s’acharne, il lâche prise, il se jette dans le vide, il se récupère, il stupéfait, avec le sourire.

Logan Center for the Arts, 22 avril. The Bridge 2.7, auquel manque la présence de Rafaëlle Rinaudo, reçoit la visite d’Emilie Lesbros et de ses chants dans toutes les langues, même celles qui n’existent pas. Et ça tombe plutôt bien parce que Jaimie Branch, Tim Daisy, Isaiah Collier et Gilles Coronado pratiquent une lingua franca qui brûle les lèvres.

American Indian Center, 23 avril. C’est toujours plus que de la musique, des chansons, des airs, des sons, des bruits, des improvisations… que l’on partage avec les Indiens des Plaines et de l’Univers. C’est un savoir-vivre par l’émotion, c’est l’idée qu’il n’y a rien de plus évident que de partager une expérience et une expérimentation, que cette dernière peut être fonctionnelle. Servir à la vie.

CoLabyrinth / Fulcrum Point New Music Project, 23 avril. Dans le loft de Kahil El’Zabar et Lucy Slivinski – ce labyrinthe des collaborations artistiques et humaines – on avait encore enfoncé le clou d’une étoile dans le ciel d’une soirée de musique intuitive, en l’intitulant : « Phoenix Rising ». Emilie Lesbros et Gilles Coronado lâchés dans la nature, dans la culture, avec Marvin Tate, Corey Wilkes, Angelo Hart, Katie Ernst, Reggie Nicholson, et sous la houlette en seconde partie de Kahil El’Zabar pour une « conduction » en forme de « ring shout ».

Doug Fogelson Studio, 25 avril. Du Bridge 2.7, sont encore présents Gilles Coronado et Tim Daisy, et leur invitée spéciale Emilie Lesbros, qui invente une chanson, qui la proportionne et la positionne au milieu de l’improvisation et de ses hachures. Des traits, des traces, des trésors dans la brume.

Roosevelt University, 22 avril. The Bridge 2.7 avec Emilie Lesbros interviennent dans la classe de Scott Mason.

Old Town School of Folk Music, 24 avril. Gilles Coronado et Fred Jackson Jr. mènent un “Improvisational workshop: linking up and bridging people, places, and things”.

The Whistler, 27 avril. Gilles Coronado dans la tourmente, entre le ténor terrifiant de Gerrit Hatcher et le ténor somptueux d’Ed Wilkerson, près de l’autre guitare dissimulée, celle de Tim Stine, devant les claviers insinuants de Daniel Van Duerm, derrière la batterie prolixe de Vincent Davis. Le bonheur se trouve à l’avant-dernière case.  

Connect Gallery, 28 avril. Gilles Coronado retrouve Fred Jackson Jr. et Ismael Ali pour quelques sinuosités supplémentaires, des points, des traits, des serpents.

Chicago High School for the Arts, 26 avril. Isaiah Collier, Gilles Coronado et Emilie Lesbros interviennent dans la classe d’Anthony Bruno.

Chicago West Community Music Center, 30 avril. Morgane Carnet et Gilles Coronado interviennent dans la classe de Howard Sandifer, avec l’orchestre du CWCMC.

Les carnets de Morgane Carnet à Chicago : 12345678910

Le réseau transatlantique des musiques improvisées met les bouchées doubles pour rattraper les retards accumulés du fait de la pandémie. Article de Alain Drouot sur Citizen Jazz