Ça aurait dû être le quartette The Way Through (The Bridge #15), avec Josh Berman, Jason Stein, Didier Petit et Edward Perraud, mais tous les empêchements des temps actuels en ont décidé autrement. Le cornet de Berman et la clarinette basse de Stein se feront certes entendre, sur scène, mais à distance, par le biais et la vertu des enregistrements qu’ils effectueront à Chicago pour qu’en disposent à leur guise leurs partenaires français. En revanche, le quartette se transformera comme par magie en trio, grâce à la présence annoncée du saxophoniste et flûtiste JayVe Montgomery avec lequel le violoncelliste et le batteur ont croisé le fer et la ferveur lors de leur première tournée dans le Midwest, dans les serres socioculturelles du plasticien Theaster Gates, en novembre 2018. Car si l’improvisation est un art de haute voltige, d’apesanteur parfois même, ces trois-là sont décidément cultivateurs de vertiges.
The Bridge est (quand même) parti en tournée, contre vents et marées. Et il est encore possible de vivre.
Pour commencer, JayVe Montgomery est monté sur un bateau pirate, et est passé de l’autre côté des mers, rejoindre les flibustiers Didier Petit et Edward Perraud.
Pour commencer encore par une résidence de plusieurs jours, comme ce sera désormais toujours le cas au début des tournées de The Bridge, cette fois-ci au Confort Moderne, grâce au soutien de notre partenaire Jazz à Poitiers.
Si les salles de concert sont aujourd’hui transformées en grottes ornées, il est possible, en passant à proximité, d’entendre s’en échapper une étrange musique pariétale.
Direction Dijon
Jusqu’à preuve du contraire, The Bridge est (encore) en tournée.
Et ça tourne de partout, autour de JayVe Montgomery, Didier Petit et Edward Perraud. Il y a des tourbillons tout autour de leur bateau pirate: en rade de Dijon, du côté des Chiffonniers, du côté du Consortium, du côté d’une maison éclusière transformée en maquis, pour une séance d’enregistrement organisée par l’équipage bigarré de Zutique Production, et une vidéo filmée par Laure Saint-Hillier.
En rade de Lyon, au Périscope, avec le renfort de Michel Molines à la contrebasse auprès de Montgomery et de Perraud, pour un concert streamé (« streaming », ça veut d’abord dire que le courant passe, et qu’il y a aussi d’enrichissants contre-courants).
En rade de Paris et de Saint-Denis où JayVe Montgomery est allé rendre visite aux étudiants de Paris 8, dans la grotte de l’université – ce fut une chasse au trésor – tandis que Didier Petit menait à bien sa propre expédition, « Les mondes d’ici », au Théâtre d’Ivry, dans le cadre du festival Sons d’hiver.
L’un et l’autre ont même un peut refait le monde lors d’une table ronde et de pourparlers sur l’état des choses et comment le renverser, avec Jean Rochard, Raphaëlle Tchamitchian, Pierre Tenne et Yaping Wang.
Ça tourne encore. Ça arrive dans le monde réel. Ce sont des événements vécus et des bouteilles à la mer.
Direction Brest
En toute responsabilité, JayVe Montgomery, Didier Petit et Edward Perraud continuent de remuer ciel et terre, dans les arrêts de jeu – puisque notre époque voudrait arrêter le jeu. Mais on peut continuer à jouer dans les arrêts de jeu, dans les interstices.
A Brest, grâce à Plages magnétiques et aux forbans locaux, dans une cave, dans un collège, dans une chapelle désacralisée, avec deux personnages du spectacle « Alice, de l’autre côté » de la Compagnie Dérézo pour grands chambellans.
En Centre-Bretagne dans le chaos rocheux granitique de Toul-Goulic et à la ferme pédagogique de Trémargat, parmi les amis et les familles.
A La Dynamo de Pantin, pour les étudiants de Paris 8 et pour une généreuse poignée de fidèles et d’infidèles. Film à suivre.
Partout où c’est possible. En travaillant au corps les possibles.
Direction Albi.
Dernier tronçon, derniers repaires, pour JayVe Montgomery, Didier Petit et Edward Perraud : le Frigo à Albi (« Conservatoire des arts rafraîchissants » – ça ne s’invente pas, ou plutôt si, ça s’invente), pour une performance enregistrée par Radio Albigès.
Et puis le lendemain encore dans le studio de Radio Campus à Toulouse, grâce aux alliés d’Un Pavé dans le Jazz, et avec des agro-biologistes, des étudiants de l’école d’ingénieurs agricoles de Purpan. Musiques vivantes et sciences du vivant. Relier ce qui nourrit les corps, les cœurs, les âmes : rien de tel pour lutter contre le « covid culturel ».
Et puis le lendemain enfin avec Radio Campus à Tours, mais pas seulement : concert pour des étudiants et des participants de Cultures du Cœur 37, du Volapük, du Temps Machine, des services civiques. Toutes celles et ceux qu’on peut encore accueillir, au Petit faucheux, pour former le cercle.
Direction l’Indre-et-Loire, la Bourgogne ou le Tennessee. Ordre de dispersion. Jusqu’à la prochaine expédition. Il y en aura.