Forget to Find [TB#13] | Mai 2017, Chicago

Surtout, ne s’attendre à rien, être prêt à tout. Car il faudra décidément être à l’écoute de ce treizième ensemble franco-américain à traverser The Bridge, aux aguets avec eux : les quatre fortes personnalités qui le constituent sont passées expertes dans l’art pourtant incertain de l’ébahissement. Entre leurs mains et leurs souffles, les instruments de musique sont tantôt comme des microscopes, tantôt comme des télescopes, à scruter tous les états et toutes les dynamiques du son, de l’espace résonant, insoupçonnés ou ahurissants. Et de nouveau évidents. Leur minutie à certains moments n’a d’égale que leur foisonnement à certains autres, sans que jamais le passage de séquence en séquence se fasse mécaniquement. Et leur intelligence de l’interactivité entre improvisateurs accepte toutes les complémentarités, toutes les contestations, dans la plus grande des remises en jeu et en commun. Comme dit l’un d’entre eux, « Je crois que la rencontre improvisée fait émerger les contradictions : celles des discours individuels, révélées par les jeux de tension qui se situent entre ceux-ci. Chacun vient avec sa mémoire, son vécu, ses oreilles, ses techniques, ses méthodes, fait tout pour tout oublier et vivre dans l’instant, jouer avec les autres, contre les autres, être poli, provocateur… Mais, paradoxalement ce n’est qu’en voulant très fort être tout cela qu’il est lui-même plus que jamais. S’agira-t-il d’une rencontre ? » Et laquelle alors ? À eux, à vous de jouer, de mélanger les dominos, de redistribuer les cartes. Votre main de départ est faite d’un impossible poker d’as.

 L’as de carreau, c’est Jean-Luc Guionnet. His musical work subdivides itself into as many ways as occasions arise for him to think and act with sound. Those occasions always have to do with a strong meeting with an outside element : an instrument (saxophone or pipe organ), a theoretical idea (what is “rumour”?), and mainly a collaborating friend… Then follows a collection of themes which, in turn, influence the evolution of the musical work and define the direction of meetings to come: the thickness of the air, the pidgin, the musical instrument considered as affective automaton, listening dark unto itself, the algebra of and in hearing, sound as a signature of space, signature of objects, signature of what it is not… the fact that French language uses the same word – “temps” – for time and for weather, propagation and spread of forms in time, etc. Music is, then, a way to test reality. The emotion Jean-Luc Guionnet looks for in music is made of all these strata and the sliding of one over the other during the act of listening.

L’as de trèfle, c’est Pierre-Antoine Badaroux. Saxophoniste, compositeur, producteur et enseignant, Badaroux est un très vif acteur des musiques contemporaines européennes. Son travail s’axe autour d’une exploration des rapports entre les formes de mémoire, d’écriture, d’indeterminé et d’improvisé. Que ce soit à travers une démarche d’interprète à la tête de l’ensemble Hodos, de compositeur avec son sextette, d’improvisateur en solo, d’archiviste en tant que producteur des labels Umlaut Records et Remote Resonator, d’enseignant au Conservatoire de Lille, de déconstruction du be-bop avec le quartet Peeping Tom ou de reconstitution méticuleuse de la musique de danse des années 1930 avec le Umlaut Big Band, ses préoccupations sont fortement ancrées dans cette démultiplication.

L’as de cœur, c’est Jim Baker, who is currently wondering about adjective order in “teenage mutant ninja turtles”, and what this might suggest as appropriate ordering for attributes pertaining to duration of activity, anomalous or distinguishing characteristics, and other forms of categorization. Pertaining to himself, Baker was born in Chicago a number of years ago and has been playing in and around the city (and elsewhere in the Northern Hemisphere), where he was an active participant in the nascent free improvisation scene in the 80’s, just like he was the house pianist at the weekly jam sessions at Fred Anderson’s Velvet Lounge. For most of the past decade, he has played weekly, mostly on piano and analog synthesizer, with the improvising quartet Extraordinary Popular Delusions (which includes Mars Williams, Brian Sandstrom and Steve Hunt), and in many collaborative ensembles with Edward Wilkerson Jr, Ken Vandermark, Rob Mazurek, Guillermo Gregorio, Keefe Jackson, Joe Adamik, Jason Roebke, Avreeayl Ra, Dave Rempis, Joshua Abrams, Bernard Santacruz, Rafael Toral, Samuel Silvant, Michael Zerang, David Boykin, Frank Rosaly, Charles Rumback, Greg Ward, Vincent Davis, Fred Lonberg-Holm, Hanah Jon Taylor, and probably some others…

L’as de pique, c’est Jason Roebke. La diversité des associations musicales de Roebke en fait l’un des bassistes les plus recherchés à Chicago et au-delà. Il compose de la musique pour divers ensembles, dont deux enregistrements de son Octet, salués par la critique. Il se produit en solo et forme un duo avec la danseuse Ayako Kato, qui sont également au premier plan de ses activités créatives. Son jeu est intensément physique, audacieux et dépouillé. Le Chicago Reader a décrit son travail comme “une fouille soigneusement orchestrée dans une quincaillerie”. Roebke a étudié en privé avec le saxophoniste et compositeur Roscoe Mitchell ainsi qu’avec le légendaire pédagogue de la contrebasse Stuart Sankey. En 2009, il a reçu la bourse de composition musicale du Conseil des arts de l’Illinois. Rosebke effectue de nombreuses tournées aux États-Unis et en Europe.

Poker d’as.